A une époque, que l’on ne peut situer dans le temps, ou alors disons plutôt en des lieux intemporels, les créatures de l’enfer étendaient leurs pouvoirs et leur volonté partout ou leur odorat détectait la chair humaine vivante.

Les créatures, bêtes informes ou dérivés d’humains, vivaient dans des grottes souterraines, des cavernes éclairées de brûlois, (le combustible extrait des chaires animales ou humaines, les graisses compactées pour servir de chandelles) suspendus dans des coupes osseuses…..

Les humains, enfin ceux encore vivants, dans le petit village en contrebas, se gardaient bien de s’aventurer au-delà des bois noirs qui menaient aux « cavernes de l’Enfer ».

Le village ne se résumait qu’à quelques édifices branlants en torchis, porcs, vaches, moutons et chèvres.
Les familles n’étaient pas nombreuses et vivaient dans la peur et la terreur du mal environnant, comme des bêtes à l’affut de la moindre miette à se mettre sous la dent. 

Tous vénéraient des divinités diverses….. certains même vénéraient la divinité du mal, et visitaient ses représentants en secret dans les grottes obscures, avant de se présenter devant le maître lui-même.

A la fin de l’automne, une rumeur circulait au village…… un sacrifice devait avoir lieu à la prochaine plein lune.

Rosalate, celle qui était en charge de la traite des vaches et des chèvres, était grosse et la naissance était prévue pour bientôt… tous les regards se tournaient vers elle dans les venelles du village.
Rosalate voulait son petit. Elle le ferait naître dans l’étable, au chaud, très bientôt.

A cette époque, les noms de famille n’étaient pas vraiment courants ni encore établis, si bien qu’il était d’usage que chacun porte le nom du lieu qui l’avait vu naître.
Ainsi, elle comptait bien appeler sa fille (oui, elle en était sûre, elle portait une fille) Rose Delétable.

Non loin de là, dans les cavernes de l’Enfer, le cérémonial se préparait, et toutes les créatures attendaient que la prêtresse rapporte le sacrifice tant convoité.
La Prêtresse du Diable….. rien moins que la propre sœur de Rosalate !!

Et c’était un grand secret, bien gardé sous peine de sévères représailles.
Ainsi, elle pouvait garder en toute impunité le loisir de se tenir à portée de sa proie à venir pour le sacrifice des Enfers.

Les loups hurlaient à la mort près des grottes, les créatures du Diable commençaient à écumer visqueusement, et la Prêtresse préparait les linges, tandis que Rosalate se portait tant bien que mal jusque dans l’étable pour mettre au monde cette furie qui lui vrillait les entrailles. 

Ronde comme une baudruche en peau de chèvre pleine à éclater, elle s’affalât comme elle put sur le foin de l’étable….. Elle reprenait à peine son souffle que jaillit sa traitresse et prêtresse de sœur, qui se rua en un bon à ses cotés les yeux brûlants de fièvre. 

La Prêtresse Chaimael tremblait d’impatience, pressée qu’elle était d’emmener le gigotant et sanguinolant paquet qui allait sortir de sa sœur Rosalate.
Toutes les conditions étaient réunies ce soir pour que, pendant le sacrifice à sa Divinité, le grand Maître fasse d’elle sa Diablesse attitrée et lui confère de plus grands pouvoirs. 

La lune, telle un lampion des fêtes de moissons, brillait et irradiait dans un cercle parfait. Les étoiles étaient visibles, le froid mordait la peau, les torches de brûlois bruissaient dans un doux crépitement, prémisse d’une nuit de feu et de sang. 

Rosalate gémissait sous les assauts de la douleur fulgurante : Chaimael tendait déjà des mains avides, les yeux rougeoyants et la lèvre baveuse, et gémissait presque autant que sa sœur délivrante.
Rosalate haletait comme un chiot en plein soleil !
Tout son bas ventre explosa dans une gerbe de sang pour laisser passer une tête chevelue et poisseuse.

Et dans un ultime cri, elle délivra sang et eaux …..et un bébé femelle.
Même par le froid de l’hiver, elle perlait de sueur, et tendait les bras vers sa fille.
Mais Chaimael l’enveloppa dans un linge et s’enfuya en courant avec le paquet gigotant dans les mains.
Rosalate hurla en rappelant sa sœur, qu’elle ne voyait déjà plus à travers les arbres de la place du village.

…..

C’est bien cet évènement qui marqua la fin de l’attente, l’attente de l’assaut tant redouté des bêtes furieuses, l’attente de l’avènement de la Prêtresse des Enfers, l’attente du sacrifice qui allait ouvrir une autre ère…. L’ère qui connaitrait l’arrivée de la lignée des FROMHELL, dont l’ancêtre sera Chaimael, qui elle-même plus tard donnera naissance au fruit d’une copulation diabolique, qui à son tour engendrera les craintes et vénérées sœur Fromhell, Opale la cassante et Ruby la sulfureuse……

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