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Evasion de Gness

1- La Fonderie

LA FONDERIE 

- Hé, tu fais quoi là ? Tu ne vois donc pas qu’il tourne de l’œil ?

- Quoi encore ? Faut toujours que tu sois dans mon dos hein !! Bien sûr qu’il tourne de l’œil, c’est fait pour ! Et puis laisse-moi tranquille un peu, et vas t’occuper ailleurs. 

Il était assez rare en réalité de voir les deux sœurs en harmonie et en accord sur tout ce qui rythmait leur vie, leur quotidien, la tenue de la fonderie, et le sort de leurs victimes. 

Et ce jour là, Ruby était bien déterminée à ne pas se laisser décontenancer et contrôler par sa sœur Opale. Elle avait juste envie de prendre son temps, de prendre un malin et indicible plaisir à faire ce qu’elle voudrait de sa malheureuse victime…à elle.

La douce et cruelle Ruby fonctionnait tout en stratégie, en calcul, en douceur, ce qui ne la rendait pas plus vertueuse, au contraire. Pleine de charme et de volupté, avec une peau d’albâtre camouflée par une lourde chevelure fauve, elle savait jouer de ses charmes pour attirer et attendrir, avec ses yeux verts amande. Elle avait hérité tous ses atouts de sa mère.

Sa sœur, son complet paradoxe, était sèche et anguleuse, avec des prunelles d’onyx rehaussées par l’ambre de sa peau et une chevelure, tel un casque vissé sur son crane pointu, de cheveux lisses chocolatés.

Les habitants de toute la grande ville connaissaient les deux sœurs Fromhell de réputation, et dans le Quartier des Petits Métiers, on savait les saluer avec déférence, puis les éviter tout en les craignant.

Au-delà des fumerolles suffocantes qui sortaient des soupiraux, les deux sœurs avaient étendu leur territoire, pour en faire un véritable fief, un repère, un mausolée à la gloire de la vengeance et du mal.

Les quelques artisans encore en activité dans le quartier avaient, à contre cœur, en échange d’une relative tranquillité, accepté de verser quelques rétributions et droits de passage dans les ateliers.

 Depuis que sa sœur avait quitté la crypte voutée en claquant la lourde porte de bois clouté et d’acier, Ruby contemplait à la lueur des flammes sa victime décharnée et attachée au mur de pierres par des fers antiques.

Elle trouvait dans cette pièce une quiétude qu’elle ne ressentait nulle part ailleurs. L’air y était pourtant étouffant, alimenté par la chaleur des fourneaux de la fonderie familiale, fourneaux qu’elle avait en son temps remisés dans les recoins de la large crypte. Sauf sur un pan entier de mur, qu’elle voulait laisser libre.

Sur ce pan de mur, ancien et médiéval, pendaient d’anciens fers de torture, authentiques, scellés depuis des siècles dans la pierre de la bâtisse.

Ruby avait ôté sa cape de velours pourpre, pour se mettre plus à l’aise, et ne rien sentir lui coller sur la peau….juste la moiteur des envies cruelles qui commençaient à lui réchauffer son antre. 

Depuis neuf jours, sa victime pendait comme un vieux linge, mais il vivait encore.

Par une habile stratégie, Ruby avait réussi à l’attirer et l’envouter avec de sensuelles pirouettes et langoureux regards.

Cela lui avait pris des mois, à l’observer, à le détailler, à lister ses moindres habitudes, mais toujours cachée dans l’ombre de la nuit tombante.
Elle avait jeté son dévolu sur « le mâle brun », en se jurant vengeance, après l’avoir surpris dans la ruelle un petit matin, à s’adonner à des violences sur son jeune chien.
Elle avait ressenti les douleurs de l’animal, brûlant d’un feu intérieur, qui ne s’éteindrait qu’après le trépas du bougre.

Pour l’heure, elle savourait l’instant, et ne parvenait pas à se résoudre à y mettre fin.

- As-tu soif peut-être ?
Une lueur d’espoir fit tressaillir la paupière de Gabriel.

- Il serait fâcheux que tu me claques entre les doigts maintenant. Je ne veux pas prolonger ta vie tu sais, je veux juste prolonger tes souffrances et mon plaisir.

Il avait eu en effet un léger aperçu des plaisirs qu’elle évoquait et lui avait signifié sa répugnance en lui vomissant sur les cuisses.
De colère, elle lui avait aussi éclaté les dents avec un genou, puis était partie nettoyer la souillure.

Elle avait juste voulu, dans un élan de sadisme, mêler les plaisirs charnels pendant qu’elle le torturait avec des pinces de ferronnerie.
Ruby s’était sentie excitée, et elle avait remonté ses jupons sur le haut de ses fesses pour être libre d’écarter ses blanches cuisses. Elle avait eu envie de faire monter plus loin le désir, attisé par la langue de Gabriel, qu’elle avait pour l’occasion détaché du mur.

Mais il n’avait pas supporté la douleur des pinces sur ses flancs, et avait laissé jaillir un flot de bile sur les cuisses de son bourreau.

Après cet épisode malheureux, Ruby était redescendue, les yeux et le corps brûlants de colère.
Toute envie charnelle étouffée, elle avait juste envie de jouir de plaisir que lui procureraient les cris de douleur de Gabriel.

Elle avait ravivé les fourneaux jusqu’à la température la plus haute.
L’air était presque irrespirable. Ses pieds nus savouraient la chaleur de la pierre, son corps et son esprit criaient leur soif de vengeance, ses yeux pétillaient de détermination.

- Qu’as-tu à me dire avant que je ne t’arrache la langue ?
Gabriel avait alors baissé la tête, décidé à ne pas répondre.

- Sais-tu que le jeune chien que tu as battu est en parfaite santé maintenant ? non ? je vois dans tes yeux la surprise …..hé oui….

Gabriel redoutait les foudres de Ruby, et la regardait en l’implorant. Tout son corps ruisselait….la sueur, la douleur, la peur étaient la nourriture de ses derniers jours.

Afin de supporter l’air étouffant, Ruby n’avait gardé sur sa peau qu’un léger jupon de soie et un petit corset de coton tissé. La vallée de sa poitrine perlait de sueur chaude, et c’est ce que Gabriel fixait diaboliquement.

Il avait espéré que Ruby ait envie une nouvelle fois d’assouvir d’autres plaisirs, mais au lieu de ça, elle avait enfilé un gros gant de cuir pour aller chercher une pince rougie par les fourneaux.

Elle tendait le bras en l’air, comme pour admirer l’objet de supplice.

- Sais-tu Gabriel comme ça fait de ne pouvoir crier et hurler de douleur ?
- …..ne fais pas ça…..
- ha oui, et pourquoi ? raconte moi pourquoi je ne devrais pas faire ça ?....lui dit-elle en se penchant alors que ses seins débordaient du corset moite.
-…parce que…..je…..regrette…..
- hé bien c’est trop tard ! ça, il fallait y penser avant ! alors tu vois cette pince qui crépite comme la braise ? et bien je vais t’arracher la langue avec….. bon tu vas sans doute t’évanouir, mais j’attendrai que tu sortes de ton comas pour remettre la pince sur les fourneaux.

Sur les cavernes bleues de ses yeux creusés, les larmes de Gabriel formaient un sillon dans la poussière de sa peau terne.

- Haha, tu as perdu de ta superbe hein ! 

Gabriel s’agitait en vain sur lui-même, et faisait cliqueter les chaines sur la pierre, torse nu, et juste une serviette de toilette défraîchie couvrant son intimité.
Ruby fit tomber d’un geste sec la serviette, qui sombra sur le sol dans un chuintement léger.

- Sais-tu Gabriel que les fourneaux de la fonderie sont toujours en activité ? si, je t’assure et le commerce marche bien en plus ! Opale pourrait te le confirmer, c’est elle qui tient les comptes.

Gabriel tentait maladroitement de se plier et se contorsionner pour cacher sa nudité.
Ruby s’en rendait bien compte, et les émeraudes de ses yeux détaillaient chaque partie du corps décharné de Gabriel.

- Nous avons notre secret de fabrication à la fonderie tu sais. L’armurier d’à côté ne jure que par les pièces qui sortent d’ici. En fait, ce qui va se passer, c’est que les parties de ton corps vont être fondues dans le métal en fusion, et coulées dans les moules en terre que tu vois là-bas dans le fond…
- Naaaannnnn. A présent, Gabriel hurlait.
- Arrête de hurler, tu me vrilles les tympans espèce de déchet va ! d’ailleurs, ta langue, c’est le chien qui va la manger.

Gabriel ne hurlait plus, mais il sanglotait maintenant comme un enfant puni.

- Je veux que tu aies mal, je veux que ta douleur t’étouffe, tu ne pourras plus crier peut-être sans ta langue ! tu ne seras plus rien crevure, tu finiras en morceaux fondus……

Soudain, la porte s’ouvrit dans un fracas, laissant l’air frais entrer.

- Dis donc Ruby, tu en as bientôt fini avec lui ?
- Oui oui Opale, mais je t’avais bien dit de ne pas redescendre ici ce soir !
- Je sais, mais l’armurier vient d’avoir une grosse commande et il a besoin des pièces. Alors dépêche-toi de finir ! et le chien voulait venir te rejoindre aussi …
- Parfait, ça tombe bien, je vais avoir un petit cadeau pour lui. Et tu peux dire à l’armurier qu’il aura ses pièces demain, mais qu’il ne reste pas dans la ruelle, l’odeur va être forte. Maintenant, sors et laisse-moi finir.

Dans un demi-tour sur elle-même, parfaitement exécuté, Opale glissa doucement vers la porte, laissant derrière elle une douce odeur de miel et de cannelle.

- Tu as entendu ? nous avons du travail, il faut qu’on s’y mette !
Le chien avait rejoint Ruby, et après lui avoir léché les pieds, il s’était assis dans un coin, posant son regard calculateur sur Gabriel.

Pendant la conversation avec sa sœur, Ruby n’avait pas lâché les pinces rougies. Aussi, sans aucune sommation, elle s’approcha de Gabriel pour lui poser les pinces sur les lèvres.
Dans un ultime cri de douleur, il ouvrit la bouche et Ruby en profita pour insérer les pinces, et tirer d’un coup sec le gros bout de chair sanglant, qu’elle jeta derrière elle pour faire le festin du chien.

Gabriel avait les yeux qui s’exorbitaient, ne parvenait plus à crier, le sang faisait un torrent de magma dans sa bouche….et il s’évanouit.

Ruby détacha calmement les chaines qui tenaient Gabriel, et pendant encore quelques heures, alterna la découpe des membres, et la fonte des métaux.
Elle avait juste mis un petit masque pour mieux respirer.

A une heure avancée de la nuit, la crypte était baignée de sang, et les pièces pour l’armurier refroidissaient dans les bacs d’eau.

La fonderie avait encore de beaux jours devant elle avec les deux sœurs Fromhell.

Gness- 4 Aout 2012